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Twenty Past Five Team, le blog

Twenty Past Five Team, le blog

Un énième blog sur les chiens ? Mais le Sibérien Husky est-il seulement un chien ? A vous de vous faire votre opinions avec ce blog dédié aux Loulounes qui partagent ma vie !


Dur, dur d'être un handler...

Publié par Loulounesdelavalléedesforges sur 9 Février 2015, 18:17pm

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14 h 57 : « Mag, je suis perdue, je suis perdue, dis à l'organisation de venir me chercher... »

Je n'aurai des nouvelle de ma musher, Catherine Fontaine, qu'à 8 h 30 le lendemain matin.

 

Retour en arrière. Notre ami Eric Fievet, boss de France Mushing, nous a rejoint, Catherine et moi, à Drevdagen notre résidence de villégiature paradisiaque nichée en Suède à quelques kilomètres de la frontière norvégienne.

L'idée est qu'à nous deux nous puissions accompagner Cath sur l'une des plus grandes courses de longue distance en chiens de traîneaux qu'est le Femundlopet 600.

J'ai personnellement une minuscule expérience du job de « handler » (aide de camp du musher) acquise sur une course de 120 km de laquelle nous sommes revenues victorieuses il y a quelques semaines.

Heureusement, Eric à bien plus d'expérience et nous allons donc côte à côte traverser une des épreuve la plus incroyable, effrayante et épuisante de toute ma vie.

Jeudi 5 Février, il est 8 h 15. Nos 23 + 1 Guerriers (23 Sib' plus Blekou notre Berger Blanc Suisse) sont à bord de la remorque direction Röros en Norvège afin de participer à la Femundlopet 600.

Sur ce pack de chiens seuls 12 composent le team de course. Personne n'étant en mesure de prendre soin de nos autres chiens c'est donc toute la meute qui fait le déplacement.

Arrivés à Röros, nous faisons rapidement les formalités administratives et véto d'usage, nous installons à l'hôtel avant de nous rendre au musher meeting du début d'aprem. Tout roule mais de mon côté la pression monte. J'ai toutes mes petites listes à portée de main afin de pouvoir m'acquitter des différents postes qui composent mon rôle de handler.

Au soir de ce jeudi, nous sommes top opérationnels !

 

Vendredi 6 Février c'est « The Big Day » !

Nous nous rendons à Röros sur l'emplacement qui nous a été attribué sur le parking de la gare, parmi les quelques autres mushers déjà en place ! L'ambiance est studieuse et Cath passe le contrôle de son traîneau et de l'intégralité du matos obligatoire comme une lettre à la poste. Son départ est prévu pour 12 h 10 précise et nous devons être prêt 10 minutes avant. Nous préparons les chiens et je ne peux m'empêcher de ressentir beaucoup d'émotion au moment d'enfiler chaque harnais et booties à ces 12 Guerriers exceptionnels dont je prends soin depuis maintenant 2 mois. Le quad qui nous accompagne jusqu'à la ligne de start vient se positionner prêt du traîneau afin de sécuriser l'attelage, le départ étant donné dans la rue principale de la ville Norvégienne. J'accompagne Colette et Cobra, les 2 leaders puis vois tout ce petit monde s'éloigner direction Tufsingdalen, lieu du premier « Check Point » distant de 75 km.

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Crédit photo Ole Dag Løvvold

Une fois sur place avec 4X4 et remorque, Eric et moi prenons connaissance des lieux. L'idée est qu'à son arrivée Cath sache exactement où se trouve son sac de dépôt (composé de tous les éléments, manteaux, nourriture... qui vont lui permettre de prendre soin des chiens), où se trouve l'eau pour préparer le repas des chiens puis toutes les commodités (où manger, dormir, recharger le matos indispensable que sont les frontales et autre GPS) dont elle aura besoin à son tour.

Les chiens arrivent pleine bourre et ont très bien avancé sur une piste délicate, modifiée par des températures inhabituelles ici (5° au départ de Röros). J'ai le droit de la guider jusqu'à son emplacement, de tenir les chiens de tête jusqu'à ce que son ancre soit mise, de lui parler mais RIEN D'AUTRE ! L'intégralité des différentes étapes (mise en place de la paille, nourrissage, massage...) ne peuvent être effectuées que par Cath seule, ceci étant le règlement.

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Une fois cette routine achevée, nous nous rendons au restau du check point afin d'effectuer les 4 h 41 de repos obligatoires sur cette étape.

À 20 h 30 nous sommes de retour sur la stake-out pour un départ programmé à 21 h 21 précise.

Un avis de tempête circule depuis quelque jours prévue, sans doute, pour le lendemain. Cath en a essuyé déjà un certain nombre et les vents ainsi que la neige annoncés semblent gérables.

Une fois les chiens prêts, elle décolle pour cette seconde étape à l'heure précise indiquée. Dés son départ, je m'affaire afin de faire disparaître toute la paille laissée et remettre l'emplacement propre. Je rejoins Eric au 4X4 qui a de son côté pris soin de nos 12 chiens à la remorque. Nous préparons le sac de dépôt du CP suivant et prenons la route direction Drevsjö.

Quelques heures plus tard, Cath arrive sur cette nouvelle fin d'étape avec des chiens très frais et déroule sa routine comme du velours. Une fois dans la salle de restaurant, nous mangeons un bout puis prévoyons son heure de départ suivante pour la troisième étape. Là encore tout roule à merveille.

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Samedi 7 Février : Après quelques heures de sommeil, ma Musher est de retour sur la piste. L'aube est là. Le vent et la neige aussi mais ce que je ne sais pas c'est que je ne la reverrai en chair et en os que très, très longtemps après...

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Eric et moi faisons la route jusqu'à Sovollen et là, les choses se compliquent. Nous passons d'un soleil radieux à une tempête de neige en l'espace de quelques minutes et l'arrivée jusqu'à ce nouveau CP s'avère épique. La route d'accès est sinueuse, étroite et très pentue et la neige fraîche tombée en masse ne simplifie pas nos déplacements. Heureusement, super Eric gère comme un chef et nous trouvons notre emplacement sur le parking. Il ne fais pas froid, nous installons donc le sac de dépôt immédiatement, la viande décongelée pour les chiens durant la route ne risquant pas de geler à nouveau. Ensuite, nous allons louer une cabine en bois afin de pouvoir dormir durant les 8 h de repos obligatoires que Cath a décidé de prendre à le fin de cette étape.

Nous prenons possession de notre «palace» (la porte est si basse qu'Eric devait se plier en 2 pour rentrer lol!) et notre attente commence.

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Les infos nous arrivent par bribes. La tempête semble faire rage au départ de l'ascension des fjälls mais le petit point vert qui matérialise la présence de Cath sur la piste poursuit sa route.

Cath m'appelle me confirmant des conditions de piste très compliquées. Le vent souffle super fort avant même d'accéder aux Fjälls et la neige tombe très abondamment. Elle m'indique avoir peu de batterie sur son téléphone. Son prévisionnel est double. Possibilité numéro 1, attendre que son ami Pierre-Antoine Héritier, le musher Suisse parti derrière elle la rejoigne afin de faire la piste à deux ou faire demi-tour. Il est 14 h et quelques et le point vert a viré au rouge nous indiquant que le GPS de Cath n'a pas émis depuis plus de 10 minutes. Je ne suis pas inquiète. J'ai déjà suivi ces traceurs sur d'autres courses et il m'est arrivée de perdre sa trace durant de longs moments voir heures sans que rien ne lui soit arrivé.

14 h 50 le point est toujours rouge. Un des membre de l'équipe de Jean-Philippe Pontier vient me voir et dis que la direction de course me cherche Je me retrouve face à 2 marshals qui m'annoncent qu'ils ont perdu la trace de Catherine... Je blêmis... Mon téléphone sonne... C'est Cath : « Mag, je suis perdue, je suis perdue demande que l'on vienne me chercher... » Les autres infos qu'elle tente de me donner sont inaudibles... Je m'empresse d'informer les 2 marshals de la situation et la réponse tombe comme une douche glacée : « Envoyez lui un sms en lui disant de rester dans son sac de survie, qu'elle coupe son portable car les secours ne pourront débuter les recherches qu'à 6 HEURES le lendemain !!!!!" Je me décompose littéralement. Les mains tremblantes, je regarde Eric en lui disant : «Eric, ce n'est pas possible, je ne peux pas lui envoyer ça ??? » et le sms le plus difficile que je n'ai jamais écrit part quand même. Je m'effondre en larmes incapable d'analyser ce qui se passe. Heureusement, un ancien musher norvégien est avec nous sous la tente et va tenter par tous les moyens de me rassurer. Mais comment me rassurer ??? Il est à peine 15 h et je sais que rien ne sera mis en œuvre pour la retrouver avant 15 HEURES !!! Oui 15 LONGUES HEURES !!!

Et puis l'Attente avec un A monstrueux commence. La nouvelle à fait le tour des personnes présentes au CP. On apprend que d'autres mushers sont perdus ainsi que des jeunes de la Junior Femund. Nombre de visages sont fermés dans cette salles commune et les pires heures débutent. Chaque arrivée des marshals dans la pièce se commue d'espoir en déception et notre impuissance avec Eric est la pire des punition. Heureusement, d'autres mushers comme Jean-Philippe Pontier tentent à leur tour de me rassurer.

OUI JE SAIS que Cath a déjà subi cela, OUI JE SAIS que ma musher a beaucoup d'expérience MAIS je ne parviens pas à positiver. Dehors le vent et la neige redoublent de violence. Chaque sortie à l'extérieure avec Eric est un crève cœur car nous la savons SEULE, là-haut avec ses Guerriers dans des conditions épouvantables. Et puis il y a notre copain Pierre-Antoine, qui a lui aussi disparu dans la tourmente, et puis il y a tous les autres... Nous vivons un cauchemar éveillé. Les personnes présentes se mobilisent afin de nous rendre cette attente la moins insupportable possible. Ce sont les 3 adorables dames du bar qui nous proposent tout ce dont nous aurions envie, se sont les autres handlers embarqués avec nous dans cette monstrueuse galère. Les secondes sont des heures et les heures une éternité, je tente de ne pas pleurer, je tente de rester digne et forte mais c'est si dur ! Gaby, mon mari resté en France essaye de me rassurer mais dehors ça souffle et aucune nouvelle n'arrive.

23 h 30 les marshals arrivent nous signalant que la Croix Rouge va tenter une reco avec des motos-neige. Par contre, le message est clair, vue la tempête il ne pourra y avoir qu'une seule tentative... Alors l'espoir revient un peu, très vite amenuisé par l'arrivée de la police qui nous demande nombres d'infos sur Cath. Je débite mes mots avec le cœur au bord des lèvres persuadée que leur présence ne peut qu'indiquer le pire.

3 h du matin : La Croix Rouge a retrouvé l'un des mushers perdu dans un état d'hypothermie très avancée... mais pas de nouvelles de Cath. Non rien, toujours rien et encore rien. Et si ce musher est en piteux état dans qu'elle état est-elle ??? Oui elle est très forte, oui c'est une Guerrière mais NON je ne parviens pas à ce que les pires images ne trottent pas dans ma tête.

Et je vois les policiers, et je vois le staff et je vois tous ces gens et toujours la même réponse, inéluctable : « Pas de nouvelles »

Les heures défilent. Puis c'est autours des hommes de la sécurité civile de prendre la piste avec leur caisson de survie mais si elle était vraiment dans un endroit impossible, mais si la neige l'avait totalement recouverte ainsi que les chiens ???

Les marshals sont de retour et m'annoncent que sur décision de la police la course est définitivement annulée. Mais qu'est ce que j'en ai à péter ??? Ce n'est pas cela qui me rendra mon Amie...

J'essaye de dormir mais n'arrive qu'à prier et dés que mes yeux se ferment c'est pour ne voir que le pire et puis c'est le retour des policiers. Il est un peu plus de 8 h. Le visage de mon interlocuteur est le même que toutes les fois précédentes et il me dit :

«Catherine est retrouvée. »

Une seule réponse parvient à sortir de ma bouche :

- « Elle est vivante ? »

- « Oui elle est vivante et tout va bien »

Je fonds en larmes. ENFIN, ENFIN toute cette douleur s'évapore, enfin je parviens à respirer ayant eu l'impression d'être restée sans souffle durant ces heures interminables.

Les nouvelles arrivent plus régulièrement et on m'apprend qu'elle est sur la piste et rentre avec les chiens. Je suis abasourdie. Comment ce petit bout de femme est-il capable de telles choses ? Ce n'est pas pour rien que ce surnom de « Guerrière » mushant ses Guerriers lui a été attribuée et une nouvelle attente commence.

On m'indique ensuite qu'elle a en fin de compte rejoint une cabine a proximité afin de prendre un peu de repos et que tous les mushers retrouvés seront rapatriés par l'armée et Eric et moi d'attendre encore et encore.

Puis un nouveau policier vient nous informer qu'au final Cath et les 2 autres mushers sont sur la piste avec les chiens sous escorte et qu'ils devraient arriver d'ici 2 bonnes heures et Eric et moi d'attendre encore et encore. Puis mon copain décide de sortir s'aérer un peu et en profite pour installer gentiment les chaînes autour de la remorque. Moi je suis restée à l'intérieur afin de tenter de me reposer un peu. D'un seul coup une des personne au téléphone à notre table nous fait de grands signes et là je vois ma Musher et ses 12 Guerriers au galop arrivant en trombe sur le CP.

Je saute dans mes fringues, attrape la glacière de soupe restée au chaud pour les chiens et fonce dehors. ENFIN c'est la délivrance, enfin je peux la serrer de toutes mes forces contre mon cœur et cette phrase complètement incroyable qui sort de sa bouche : « Mais ils sont où les autres mushers ? » bien décidée à reprendre la piste !!!! La déception dans son regard à l'annonce de l'arrêt de la course ne fait que renforcer encore un peu plus l'immense fierté que j'éprouve d'être son amie.

Voilà, je ne pouvais pas faire court après une telle tranche de vie. Maintenant que nous sommes de retour en Suède c'est à la Finnemarkslopet 500, épreuve déclarée Championnat du Monde Pure Race Nordique que nous allons nous attaquer et je me dis qu'avec une telle femme et de tels chiens tout vraiment TOUT peut arriver !

 

Un immense BRAVO à ma musher Catherine FONTAINE la personne la plus incroyable que je n'ai jamais rencontré, un immense MERCI à Eric, mon compagnon de tristesse et de bonheur qui m'a tellement soutenue, merci à tous les mushers qui ont tenté par leur gentillesse et leur expérience de m'aider à surmonter, merci aux handleurs présents (surtout à mon pote Benji) pour leur entraide et solidarité, merci aux Carpate, à Sonia, Valé et tous nos ami(e)s en France pour leur soutien, merci à mon mari Gaby qui comme toujours depuis 20 ans a été là pour moi, et... merci, merci et BRAVO à Colette, Cobra, Minnie, Sarna, Viper, Suzy, Surge, Gloria, Maurice, Caouète, Diégo et Melman d'avoir pris soin d'Elle !!!

 

 

Décidément la vie de handler n'est vraiment pas de tout repos !!!

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